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naire ; il essuya ses larmes d’un geste brusque et pendant quelques minutes il marcha de long en large dans sa chambre.

Lorsque le flibustier crut enfin avoir reconquis toute sa puissance première sur lui-même, il revint vers la table, rassembla les papiers, les replaça dans le portefeuille qu’il ferma tant bien que mal ; cacha ce portefeuille dans une armoire secrète, pratiquée si habilement dans la muraille que personne n’en pouvait soupçonner l’existence ; puis il défit son lit, s’étendit dessus pendant quelques instants, afin d’y imprimer les contours de son corps ; et certain que toute trace de ce qu’il avait fait avait disparu, il ouvrit la porte de sa chambre et sortit.

La première personne contre laquelle il se heurta en traversant la pièce suivante, fut l’Olonnais ; le jeune homme paraissait en proie à une vive inquiétude ; il tenait une hache à la main.

— Ah ! te voilà ! s’écria-t-il en apercevant son ami.

— Oui, répondit Vent-en-Panne avec bonhomie ; où allais-tu ainsi ?

— J’allais te chercher.

— Que se passe-t-il donc ? tu parais tout ému.

— Il se passe, répondit l’Olonnais avec agitation, que j’allais t’appeler et que si tu avais fais comme hier, c’est-à-dire si tu n’avais pas répondu, j’étais résolu à défoncer la porte.

— Oh ! oh ! voilà une bien grave résolution, matelot ; dit Vent-en-Panne en souriant.

— Grave sans doute, mais en tous cas, plus que justifiée par la conduite que tu as tenue envers moi depuis hier.

— Allons donc, tu es fou ; en quoi, je te prie, ma conduite a-t-elle quelque chose de singulier ?

— Comment, tu entres dans ta chambre à onze heures du matin ? tu t’y enfermes…

— Comment ? je m’y enferme ! s’écria Vent-en-Panne avec une surprise parfaitement jouée.