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— Madame, j’ai été bien coupable envers vous ; ma conduite a été odieuse, digne d’un monstre ; accablez-moi de votre mépris et de votre haine ; je n’essaierai pas de me défendre ; je me reconnais coupable ; je m’incline devant le verdict que dans votre cœur vous avez prononcé contre moi ; mais si vous ne pouvez me pardonner, madame, peut-être éprouverez-vous quelque pitié pour mon sincère repentir.

— Est-ce à moi que vous adressez ces paroles, monsieur ? répondit sèchement la duchesse, et si c’est à moi que vous parlez ainsi, quelle est l’application que je dois faire de ces paroles ? faites-vous allusion aux outrages, dont jadis vous m’avez rendue victime ; ou bien à ceux que vous n’avez pas craint de m’infliger aujourd’hui ? Il serait bon d’établir une distinction ; je vous avoue que je commence et vous devez commencer vous-même à ne plus vous reconnaître dans cette foule d’infamies que vous entassez comme à plaisir, les unes sur les autres.

— Soit, madame, raillez-moi, reprochez-moi mes crimes, j’accepterai tout sans oser me plaindre. Si je voulais justifier ma conduite d’aujourd’hui, cela me serait facile ; je me suis, il y a peu de jours, présenté chez vous ; aucune haine ne m’animait contre votre mari ; j’étais neutre entre ses ennemis et lui ; mon intention était même de le servir au besoin ; comment a-t-il reçu mes avances ? quelle réponse m’a-t-il faite quand j’ai voulu entamer cette question ? vous et lui m’avez traité avec le plus profond mépris, vous m’avez presque fait chasser par vos gens ; je me retirai en dévorant ma honte ; c’est ce que je devais faire ; mais en traversant vos somptueux salons, madame, je me jurai d’obtenir de vous, quoi qu’il pût m’en coûter cette explication si obstinément refusée ; voilà pourquoi vous êtes ici, seule et en mon pouvoir. Dites un mot, dans cinq minutes vous serez libre, rendue à ceux qui vous aiment, et moi j’aurai disparu pour toujours.

— Monsieur !… dit la duchesse, cet enlèvement…

— Oh ! pas de récriminations, madame, interrompit-il