Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une avance considérable, avant même qu’on ne songeât à les poursuivre ; il fallut plus d’une heure à l’Olonnais pour réussir à s’emparer d’eux et les ramener à la forteresse.

Lorsque les pauvres diables eurent été bien et dûment incarcérés, libre enfin, le jeune homme ne perdit pas un instant, accompagné de Pitrians son inséparable, il se rendit tout courant au palais du duc de la Torre ; un sombre pressentiment lui serra le cœur, lorsqu’en arrivant devant le palais, il en vit les portes brisées.

— Que s’est-il donc passé ici ? murmura-t-il en s’arrêtant machinalement.

— Entrons ! répondit Pitrians ; l’incertitude est terrible, dans une circonstance comme celle-ci, mieux vaut savoir tout de suite à quoi nous en tenir.

Ils pénétrèrent alors dans l’intérieur ; toutes les portes étaient ouvertes, les meubles jetés çà et là, et brisés pour la plupart ; une solitude complète régnait dans le palais ; une inquiétude poignante étreignait le cœur des deux hommes, pendant qu’ils parcouraient ces salles mornes, silencieuses ; ni l’un ni l’autre ne parlait ; une émotion terrible les étouffait et empêchait leur voix de se faire jour à travers leurs dents serrées ; ils arrivèrent ainsi jusqu’au cabinet du duc de la Torre.

En travers du seuil, deux corps étaient étendus, baignés dans leur sang ; ces malheureux tenaient encore dans leurs mains crispés, les armes impuissantes à protéger leur vie. L’Olonnais et Pitrians se penchèrent vivement sur ces deux hommes ; c’étaient les serviteurs de confiance du duc, ceux qu’en quittant le palais, il avait laissés pour protéger la duchesse et sa fille ; tous deux étaient fidèlement tombés à leur poste.

L’Olonnais crut s’apercevoir qu’un de ces hommes vivait encore ; aidé par Pitrians, il lui prodigua tous les secours dont il pouvait disposer, bientôt il eut la joie de lui voir ouvrir les yeux.