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gardera bien de souffler mot, crainte de l’amende, pour avoir laissé son cheval vaguer dans les rues.

— Mais vous ne me dites rien de mon ami ? comment est-il ? que lui arrive-t-il ?

— Votre ami a refusé de s’échapper.

— Que voulez-vous dire ?

— La vérité ; pas autre chose, Mme la duchesse de la Torre et sa fille, se sont, on ne sait comment, introduites dans sa prison ; quant à moi, je soupçonne fort le geôlier de s’être laissé gagner ; je le connais, c’est mon compère ; bref, les deux dames l’ont prié, supplié de se sauver en prenant le costume que l’une d’elles avait apporté ; tout a été inutile, il n’a rien voulu entendre, et comme malgré tout, ces dames persistaient à le faire évader, il a appelé le geôlier, lui a ordonné de reconduire ces dames, et l’a menacé de porter plainte contre lui, au commandant de la forteresse, s’il s’entremettait de nouveau dans une affaire semblable ; vous voyez d’ici la figure du geôlier !

— Oh ! je reconnais bien là mon ami ! s’écria Pitrians avec enthousiasme, est-il jugé ?

— Je ne sais rien de positif à cet égard ; cependant je crois que le tribunal doit se réunir ce soir, je ne puis rien vous dire de plus ; et vous, que comptez-vous faire ?

— Il faut que je sorte à l’instant même ; dit vivement le jeune homme.

— Rien de plus facile, je vous accompagnerai, si vous le désirez, jusqu’au bout du village ?

Pitrians sembla sérieusement réfléchir pendant une minute ou deux ; puis tout à coup posant doucement la main sur l’épaule du Mexicain.

— Mon cher don Pedro, dit-il d’une voix amicale et avec un accent de sensibilité dont l’haciendero fut étrangement surpris ; vous êtes un brave et digne homme, vous nous avez rendu à mon ami et à moi de très-importants services ; mais il est une limite que l’honneur me défend de vous laisser franchir ; bien que