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— Merci de venir ainsi me consoler, Fleur-de-Mai ; répondit le jeune homme d’une voix plaintive, oh ! si tu savais combien je souffre !

— Je le sais, répondit-elle tristement en posant la main sur son cœur ; mais tu te trompes, ami, je ne viens pas te consoler, je viens de te dire : Courage.

— Courage ! murmura-t-il, lorsque tout me manque à la fois ! lorsque je reste seul !

— Non, tu n’es pas seul ; tu as des amis qui t’aiment, et ceux qui partent ne t’oublieront pas. Ce que l’homme fait, Dieu peut le défaire ; déjà je te l’ai dit ; celui qui pleure sera consolé ; il n’y a d’éternel que l’adieu prononcé par une bouche mourante. Espère ! bientôt peut-être, tu retrouveras celle qui va partir. Je l’ai vue, moi.

— Tu as vu doña Violenta, Fleur-de-Mai ? s’écria-t-il avec passion.

— Oui, je l’ai vue ; comme toi, elle succombait sous le poids de la douleur, je lui ai parlé, elle m’a chargée de t’apporter sa dernière parole ; cette parole qui doit être entre vous un signal, si quelque jour elle a besoin de toi.

— Que t’a-t-elle dit ? répète-le moi vite.

— Oh ! que tu es impatient !

— Si tu savais combien je l’aime, Fleur-de-Mai.

— Oui, tu l’aimes bien ; reprit-elle d’une voix profonde.

— Mais, interrompit l’Olonnais, sans même avoir écouté les paroles de la jeune fille, tu ne me dis pas ce mot quelle t’a chargée de me répéter.

— Écoute-moi donc puisque tu veux le savoir, c’est un mot castillan : Recuerdo.

— Merci, Fleur-de-Mai ; merci, tu es bonne ; tu m’as rendu bien heureux.

La jeune fille soupira ; elle jeta un long regard au flibustier dont la tête était retombée pensive sur sa poitrine ; et elle s’éloigna lentement en murmurant à demi-voix :