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nous ; que nous sachions comment nous allons, et où nous allons ; cet homme avait raison quand il vous disait que, sans que vous vous en doutiez, il existait entre lui et vous de longues relations et que ces relations étaient presque intimes ; vous voyez que je ne marchande pas mes paroles ? cet homme ne vous apprendrait rien ; tout ce qu’il vous a dit je vous l’ai dit moi, déjà, avant de consentir à vous donner ma main.

— Eh quoi ! madame, il se pourrait ? s’écria le duc au comble de la surprise.

— Oui, reprit-elle avec un accent fébrile, cet homme qui s’imagine peut-être que j’ai eu des secrets pour vous, que je n’ai pas osé vous avouer le crime dont j’ai été victime ? cet homme venait… comment dirais-je cela ? vous proposer un marché honteux dont votre honneur et votre nom devenaient l’enjeu. Eh bien ! monseigneur, cet homme s’est trompé ; sa lâcheté ne lui profitera pas ; vous savez tout ; tout excepté son nom, et son nom je vais vous le dire ! n’est-ce pas, monsieur le prince Gaston de Tallemont de Montlaur ?

Le prince, car c’était lui en effet, laissa tomber avec accablement sa tête sur la poitrine.

— Madame, dit-il après un instant, vous êtes cruelle pour moi ; peut-être jugez-vous sévèrement ma conduite ; non, en revenant ici je n’avais pas l’intention de proposer un honteux marché au duc de la Torre, je vous en donne ma parole de gentilhomme. Un intérêt sacré me conduisait ; si j’ai consenti à devenir un des agents les plus actifs du complot tramé contre vous, c’est parce que je voulais avoir entre les mains tous les moyens, le moment venu, de vous sauver, contre un mot un seul, que vous m’auriez dit !

— Señor capitaine, reprit le duc, je ne veux ni ne dois qualifier votre conduite ; de plus, devant votre manière d’agir et d’après la connaissance que j’ai de votre passé, je ne puis croire à votre parole ; chez vous le bravo a tué le gentilhomme.

— Prenez garde, monsieur le duc, vous me lancez à