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vêtu ; pourtant il y avait dans l’expression du visage de cet officier, quelque chose de si froidement railleur, que malgré lui, le duc se sentit tressaillir, il eut comme un pressentiment qu’en même temps que cet homme, le malheur entrait chez lui ; néanmoins il rendit courtoisement le salut que lui avait fait l’officier, de la main il l’invita à s’asseoir ; puis il congédia le valet.

— Si je suis bien informé, caballero, dit le duc ; vous êtes chargé d’une mission près de moi, par le gouverneur de la Vera-Cruz ?

— Oui, monseigneur ; répondit le capitaine.

— Quelle que soit cette mission, caballero, reprit le duc, je tiens à vous informer tout d’abord que je suis prêt à m’y conformer ; veuillez donc je vous prie vous expliquer ?

— Monseigneur, répondit le capitaine en s’inclinant, la situation dans laquelle je me trouve placé vis-à-vis de Votre Excellence, est assez délicate ; je compte sur toute votre obligeance pour me faciliter les moyens de remplir cette mission dont je suis chargé.

— Capitaine, j’ai toujours été un fidèle serviteur du roi mon maître, j’ai toujours obéi aux lois de mon pays ; parfois même mon devoir a été de les faire exécuter ; il ne tiendra pas à moi, que vous sortiez avec honneur de la mission délicate, dites-vous, qui vous amène chez moi.

— Je vous remercie, monseigneur ; puisque vous m’y autorisez je m’expliquerai donc.

— Non-seulement je vous y autorise, capitaine, mais je vous en prie.

Les deux hommes se trouvaient ainsi placés vis-à-vis l’un de l’autre, dans la situation de deux duellistes émérites, qui sur le terrain, tâtent le fer afin de connaître le faible de l’adversaire avant d’engager sérieusement le combat ; cet échange de compliments banals n’était, en quelque sorte, qu’une escarmouche préparatoire ; tous deux se tenaient sur la défensive ; mais quelle que fût l’adresse et la pénétration dont fût doué le capitaine, il ne réussit à rien lire sur le visage froid et impassible du