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leurre, afin d’endormir ses soupçons et l’engager à quitter la ville comme tout portait à croire qu’il le ferait ; le duc a-t-il reconnu la justesse de mes observations ? d’autres considérations l’ont-elles retenu ? je l’ignore ; seulement ses ennemis, voyant qu’il s’obstinait à ne pas sortir de la ville, et désespérant de l’y contraindre, ont résolu de jeter le masque. Le courrier qui ce soir arrivera à la Vera-Cruz, porte l’ordre d’arrêter le duc de la Torre et de le renvoyer en Espagne, comme convaincu de haute trahison, pour être demeuré à Saint-Domingue avec les boucaniers, etc., etc., je te passe le reste.

— Mais c’est une infamie ! s’écria Pitrians avec indignation.

— Tout simplement, mon ami ; voilà les nouvelles que j’avais à te communiquer ; tu comprends, n’est-ce pas, leur gravité ? Et combien il était important que notre conversation ne fût pas entendue ?

— Certes ; ainsi c’est pour cela que tu m’as amené ici ?

— Oui ; et pour autre chose encore.

— Voyons ton second motif ?

— J’ai pensé à une chose ; nous n’avons plus que deux jours à attendre ce que tu sais…

— C’est vrai, après ?

— La route de la Vera-Cruz à Mexico, est fort mauvaise ; règle générale, il faut sept jours à un Indien, bon marcheur, pour la parcourir.

— C’est possible, mais où veux-tu en venir ?

— Tu vas voir, je t’ai dit que le courrier doit passer près d’ici.

— Ah ! bon, je crois que je commence à comprendre.

— Qu’est-ce que tu commence à comprendre ?

— Parbleu ! il ne faut pas être sorcier pour cela ; nous nous embusquons, le courrier passe, nous lui enlevons ses dépêches, nous le tuons et nous l’enterrons quelque part, dans ces fourrés près d’ici ; n’est-ce pas cela ?

— À peu près, tu brûles, cher ami.