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Près d’une heure s’écoula sans que rien indiquât que le signal avait été vu ; David en proie à une anxiété extrême se désespérait ; il faisait les suppositions les plus tristes. Vent-en-Panne s’était lassé d’attendre le signal ; il avait rompu la croisière, et gagné le large ; peut-être des voiles ennemies l’avaient contraint à s’éloigner.

C’était en vain que Pitrians essayait de lui rendre le courage et lui prouvait l’impossibilité de ses suppositions ; le flibustier hochait la tête d’un air de doute et au bout de cinq minutes il recommençait ses lugubres commentaires ; si bien que le jeune homme en désespoir de cause, avait pris le parti de ne plus s’occuper de son compagnon, et de le laisser se désoler tout à son aise.

Tout à coup une vive lumière surgit au-dessus des flots, monta et descendit trois fois, puis disparut.

— Eh bien ! que vous disais-je ? fit Pitrians en se tournant vers David : Vent-en-Panne est-il parti ?

— Pardon, frère, répondit David, mais je suis si malheureux, que le doute doit m’être permis, surtout quand il s’agit de ma dernière espérance.

— Je ne vous adresse pas de reproches, dit le jeune homme, si vous connaissiez bien Vent-en-Panne, vous sauriez qu’avec lui le doute n’est pas possible.

— J’ai tort, vous dis-je, pardonnez-moi.

— Allons, qu’il ne soit plus question de cela ; dans un instant je l’espère, vous éprouverez une grande joie en vous retrouvant au milieu de vos vieux compagnons ; eh, tenez, voici la lumière qui reparaît ; elle est bien visible à présent, elle s’est rapidement rapprochée de nous.

Quelques minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles les deux hommes demeurèrent debout et attentifs.

Soudain David tressaillit, et s’élança vers la mer en criant :

— Les voilà ! Je les entends !

En effet un bruit de rames assourdi par des portages en laine se distinguait facilement et prouvait que l’embarcation était sur le point d’atterrir.