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— Dites plutôt, monsieur le duc, répondit l’Olonnais en prenant le siège que lui présentait M. de la Torre, dites plutôt que vos pressentiments vous ont engagé à y venir.

— Peut-être y a-t-il un peu de vrai là-dedans ; je ne sais pourquoi pendant toute la soirée je me suis senti inquiet, agité, sans cause apparente, sans raison plausible.

— Vous le voyez bien, reprit le flibustier en souriant ; Eh bien ! M. le duc, les causes que vous ignorez, ces raisons que vous avez cherchées vainement, si vous me le permettez, je vais vous les faire connaître, moi.

— Je ne demande pas mieux, mon cher ami, voyons un peu cela !

— Pour vous mettre au courant de cette affaire, M. le duc, je suis contraint tout d’abord de vous faire un long récit dont vous serez sans doute fort ennuyé, mais indispensable, pour que vous compreniez bien les motifs de ma présence.

— Quels que soient ces motifs, mon ami, laissez-moi vous dire tout de suite que je les tiens pour excellents, puisqu’ils me procurent le plaisir de vous voir ce soir.

— Oh ! prenez garde, M. le duc, vous complimentez, je crois, et ma foi je suis forcé de vous dire que le moment n’est pas aux compliments ; nous avons à nous occuper de choses sérieuses, excessivement sérieuses.

— Soit, mon ami ; répondit le duc toujours souriant, me voici sérieux et muet comme un fakir.

— Je ne sais trop, M. le duc, mais enfin, je suis forcé d’accepter l’humeur dans laquelle vous vous trouvez ; maintenant veuillez me prêter toute votre attention.

L’Olonnais raconta alors, sans rien omettre, tout ce qui s’était passé depuis le moment où dans l’après-dîner, il avait quitté l’hôtel.

Au fur et à mesure que le flibustier avançait dans son récit, le visage du duc se rembrunissait ; le sourire s’effaçait de ses lèvres, l’expression de sa physionomie devenait de plus en plus soucieuse ; il écouta le jeune