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qu’ils étalaient fièrement, il était impossible de ne pas les reconnaître, au premier coup d’œil, pour des coupe-jarrets émérites.

Il y avait là de tout : des muletiers, des marchands, des soldats et jusqu’à des moines ; ceux-ci même étaient les plus bruyants et les plus querelleurs.

L’entrée des trois hommes produisit un certain effet ; beaucoup des habitués de ce lieu de, délices vinrent amicalement saluer don Pedro et lui serrer la main. Celui-ci, sans s’arrêter, traversa la pièce principale et introduisit ses deux compagnons dans une des plus petites, en ce moment complétement solitaire.

Les trois hommes s’assirent et se firent servir du Tepache par un garçon, qui, depuis leur entrée, s’était constamment tenu derrière eux. Bien entendu que, selon la coutume invariable de ces sortes de maison, ce Tepache fut aussitôt soldé.

Lorsque les verres furent remplis et les cigarettes allumées, l’Olonnais prit la parole.

— Ah ça, don Pedro, dit-il, vous nous avez conduits dans un Velorio, j’avoue que l’endroit est curieux et que je ne suis pas fâché de l’avoir vu ; mais pourquoi, au lieu de rester dans la salle commune avec les autres buveurs, nous avez-vous confinés ici ?

— Ah, voilà ! fit le Mexicain en souriant, c’est qu’avant de vous présenter à certaines personnes, que j’attends d’un moment à l’autre, je désire échanger quelques mots avec vous.

— Hum ! vous prenez un air solennel en disant cela !

— Laissez-moi achever, vous verrez que mon intention n’est pas de vous être désagréable.

— Enfin ! allez, nous vous écoutons.

— Vous n’êtes pas sans savoir, señores, avec quelle sévérité le fisc exerce ses droits, et les entraves de toutes sortes qu’il apporte au commerce ?

— Bon, je vous vois venir, cher don Pedro ; il n’est pas besoin d’employer des circonlocutions ; vous auriez mieux fait d’aller droit au but.