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faites-nous le plaisir d’enfermer votre chien ; il souffle sous la porte, comme s’il sentait la chair fraîche.

— Ah ! ah ! fit l’autre avec un hideux sourire, c’est vous, don Pedro ; soyez le bienvenu, il y a longtemps qu’on ne vous a vu par ici ; vous n’étiez donc pas à la Vera-Cruz ?

— C’est bon, amigo ; pas de conversation au clair de la lune ; la rue n’est pas sûre ; ouvrez ou que le diable vous emporte !

— Un peu de patience ; m’y voilà ; ne craignez rien du chien, il aboie, mais il ne mord pas.

En parlant ainsi, le señor matatrès défit la chaîne, et ouvrit la porte tout juste assez pour laisser passer les trois hommes ; puis il la referma et la verrouilla consciencieusement derrière eux.

L’Olonnais et son compagnon, en voyant l’influence dont semblait jouir le Mexicain dans cette caverne, et l’importance qu’il se donnait, commencèrent à prendre de lui une certaine opinion ; mais comme tous les Mexicains sont plus ou moins voleurs, contrebandiers ou prompts à la navaja, l’impression qu’ils éprouvaient fut plutôt bonne que mauvaise ; elle leur fit espérer que le digne haciendero serait un homme avec lequel ils pourraient facilement entrer en arrangements.

Les visiteurs se trouvaient alors dans un zaguan qu’un candil agonisant et ne lançant plus que de rares jets de lumière avait la prétention d’éclairer ; heureusement leur introducteur était un habitué de la maison, il en connaissait les détours.

Don Pedro ne s’inquiéta nullement de cette obscurité crépusculaire qui ne faisait que rendre les ténèbres visibles, et faisant signe à ses compagnons de le suivre, il traversa le zaguan, appuya sur la gauche dans une petite cour venant à la suite, et s’arrêta devant une espèce d’échelle de meunier, décorée du nom pompeux d’escalier, et qui seule établissait une communication entre le sol et le premier étage.

Un second candil, non moins fumeux que les autres