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Cette voix chantait la délicieuse ronde normande, qui commence ainsi :

L’alouette, au plus haut des airs,
Chante sa chanson joyeuse ;
Le milan, etc., etc., etc…

L’Olonnais à ces accents bien connus, et qui lui révélaient l’approche d’un secours inespéré, sentit l’espoir rentrer dans son cœur ; il réunit toutes ses forces pour tenter un dernier effort ; à trois reprises différentes, il poussa un cri aigu, strident, particulier aux marins pendant la tempête, et qui sur l’aile de la brise s’envole à des distances considérables, cri qui n’a de comparable que celui des montagnards se répondant d’un pic à un autre.

Après son troisième cri, le jeune homme posa doucement à terre doña Violenta complétement évanouie ; et il roula sur le sol, incapable de lutter davantage.

À travers le brouillard sanglant qui obscurcissait sa vue, il lui sembla voir la forme svelte et gracieuse de Fleur-de-Mai, émerger de derrière les arbres et se diriger en toute hâte de son côté ; mais dompté par la souffrance, il perdit presque aussitôt le sentiment des objets extérieurs.

Lorsqu’il revint à lui, il aperçut Fleur-de-Mai, agenouillée à son côté, et lui prodiguant les soins les plus délicats.

Doña Violenta penchée sur lui, le regardait avec une expression étrange ; dans laquelle la joie et la douleur se confondaient tellement, qu’il était impossible de deviner lequel de ces deux sentiments dominait l’autre.

— Pourquoi te hasardes-tu ainsi dans les bois, toi qui es tout nouveau dans la colonie ? lui dit Fleur-de-Mai d’un ton de léger reproche ; si je n’avais pas pensé à toi, tu aurais été perdu ; ami ; avant deux jours ton cadavre serait devenu la proie des bêtes sauvages ; ne recommence pas de telles folies ; je ne serai pas toujours là, pour me mettre à ta recherche.