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objet qu’il ne pouvait encore apercevoir. Alors avec un mouvement de dépit, il se remettait en marche pour recommencer cent pas plus loin la même manœuvre.

— Ah ! parbleu ! lui dit enfin Belhumeur en riant, nous arriverons, soyez tranquille.

— Eh ! caramba ! je le sais bien, mais je voudrais déjà y être ! pour moi les seuls moments de bonheur que Dieu m’accorde, se passent auprès de celle que nous allons voir ! ma mère ! ma mère chérie ! qui pour moi a tout quitté ! tout abandonné sans regret, sans hésitation ! oh ! que c’est bon d’avoir une mère ! de posséder un cœur qui comprenne le vôtre, qui fasse abnégation complète de lui-même pour s’absorber en vous ! qui vit de votre existence ! se réjouissant de vos joies, s’attristant de vos peines ! qui fait deux parts de votre vie, se réservant la plus lourde, vous laissant la plus légère et la plus facile ! oh ! Belhumeur ! pour bien comprendre ce que c’est que cet être divin composé de dévouement et d’amour que l’on nomme une mère, il faut comme moi en avoir été privé pendant de longues années et puis tout à coup l’avoir retrouvée plus aimante, plus adorable qu’auparavant ! Que nous marchons lentement ! Chaque minute de retard est un baiser de ma mère que le temps me vole ! N’arriverons-nous donc jamais ?

— Nous voici au gué.

— Je ne sais pourquoi, mais une crainte secrète