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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

un mot de plus, il s’avança à pas lents vers Ruperto qu’il tenait immobile sous son regard fascinateur, et qui le voyait arriver sur lui avec un effroi croissant à chaque seconde.

Arrivé à un pas du Mexicain, le jeune homme s’arrêta.

Cette scène, si simple en apparence, devait cependant avoir une signification terrible pour les assistants, car toutes les poitrines étaient haletantes, tous les fronts pâles.

Le Jaguar, le visage livide, les traits crispés, les yeux injectés de sang et les sourcis froncés, avança le bras pour saisir Ruperto, qui, dompté par la terreur, ne fit pas un mouvement pour se soustraire à cette étreinte qu’il savait pourtant devoir être mortelle.

Soudain Carmela bondit comme une biche effrayée et se jeta entre les deux hommes.

— Oh ! s’écria-t-elle en joignant les mains, ayez pitié de lui ; ne le tuez pas, au nom du ciel !

Le visage du jeune homme changea subitement et prit une expression de douceur ineffable.

— Soit ! dit-il, puisque telle est votre volonté, il ne mourra pas ; mais il vous a insultée, Carmela, il doit être puni. À genoux, misérable, continua-t-il en s’adressant à Ruperto et en lui appuyant lourdement la main sur l’épaule, à genoux, et demande pardon à cet ange.

Ruperto s’affaissa plutôt qu’il ne s’agenouilla sous le poids de cette main de fer et tomba aux pieds de la jeune fille en murmurant d’une voix craintive :

— Pardon ! pardon !

— Assez ! dit alors le Jaguar avec un accent ter-