Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Dieu ! Pitié, au nom du ciel ! monsieur ; je suis innocente. Pourquoi m’avoir amenée ici ? Que prétendez-vous faire de moi ?

— Vous allez le savoir, madame, reprit le masque avec une ironie cruelle ; mais d’abord, signez ceci.

Et il lui tendit le papier écrit posé sur la table.

La jeune femme prit le papier et jeta machinalement les yeux dessus ; soudain, comme poussée par un ressort elle se dressa superbe de colère hautaine, et déchirant le papier entre ses doigts crispés :

— Tuez-moi, monsieur ! s’écria-t-elle d’une voix rendue vibrante par l’indignation ; tuez-moi, jamais je ne signerai mon déshonneur ; je suis pure, toujours j’ai été une épouse chaste et fidèle. Dieu le sait, il me vengera !

Et elle jeta au visage de l’inconnu les morceaux du papier, qu’elle achevait de déchirer.

L’homme masqué poussa un rugissement de fauve à cette insulte, et enlevant son masque qu’il jeta loin de lui, il laissa voir un beau et noble visage en ce moment défiguré par la colère, mais dont le regard toujours en mouvement, ne se fixait jamais et ne laissait filtrer que des lueurs sombres sous ses paupières presque constamment baissées.

— Misérable ! s’écria-t-il avec violence, oses-tu bien me soutenir, à moi, que tu es innocente !

— Ah ! je vous avais reconnu à la voix, lâche tortureur de femmes, assassinez-moi donc ; mais cette fortune pour laquelle vous me tuez vous échappera, mes précautions sont prises ; faites, j’attends.

Et elle se tint ferme et droite devant lui, les bras croisés sur la poitrine et les yeux pleins d’éclairs.

L’inconnu détourna la tête et fit signe à Sébastian ; celui-ci déboucha la bouteille et remplit le verre.

— La fosse est-elle creusée ? demanda l’inconnu au second matelot.

— Oui, mon colonel, répondit celui-ci ; elle est creusée et profonde, ainsi que vous l’avez ordonné.

Pendant cet échange de paroles, Sébastian, qui avait