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rurales du pays, condamnait les deux prévenus à dix ans de déportation à Cayenne, dans une enceinte fortifiée.

Ce jugement incroyable causa une stupeur générale et eut un très fâcheux retentissement dans tout le pays.

Julian et Bernardo ne furent aucunement surpris de cette condamnation ; ils s’y attendaient.

La présence de Felitz Oyandi dans la salle du conseil avait été pour eux un avertissement du sort qui les menaçait, et auquel ils n’avaient pas à se tromper.

Ils furent reconduits à la prison.

La seule grâce qu’ils obtinrent et que déjà nous avons mentionnée, car tout fut étrange dans cette singulière affaire, ce fut qu’on leur rendit leurs valises et leur argent, puisque la propriété leur en était reconnue.

Cette grâce, nous l’avons dit, leur fut accordée, mais seulement quinze jours plus tard, à la demande de Bernardo, la veille du jour où ils devaient quitter M…, pour être conduits à D…, où ils allaient être internés jusqu’au moment de leur départ pour Cayenne, la colonie qui leur avait été assignée pour y subir leur peine.

Depuis leur arrestation, les deux jeunes gens n’avaient reçu aucunes nouvelles de leurs parents ou de leurs amis.

Ils avaient écrit plusieurs lettres qui, toutes, étaient demeurées sans réponses.

Ils se désespéraient et ne comprenaient rien à ce silence qui les effrayait, lorsqu’un geôlier, moins dur ou plus compatissant que les autres, eut pitié de leur chagrin, et leur révéla le mot de l’énigme.

Toutes leurs lettres avaient été arrêtées au greffe et n’avaient pas dépassé les murs de la prison.

Des ordres sévères avaient été donnés pour que les prévenus et les condamnés ne pussent d’aucune façon communiquer soit avec leurs amis, soit même avec leurs familles.

Cet ordre barbare était général.

Les malheureux condamnés étaient définitivement rayés de la société.