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nous ce qui s’est passé, et quelle scène affreuse a mis dans ton esprit ce trouble qui nous inquiète et nous désespère.

— Hélas ! mon Julian, pourquoi exiger de moi cette douloureuse confidence ? J’étais venue dans l’intention de te dire si je te revoyais, ce que je n’espérais pas, de te dire…

Elle hésita, ses yeux se remplirent de larmes ; un sanglot souleva sa poitrine et elle appuya sa main sur son cœur comme pour en modérer les battements précipités.

— Parle, chère Denisà, ne crains rien ; pourquoi t’arrêter ? Ne sais-tu pas que de toi je puis tout entendre, excepté que tu ne m’aimes plus et que tu me rends ma parole.

— Eh bien, oui… oui… c’est cela… je crois, voilà ce que je voulais te dire, murmura-t-elle d’une voix tremblante.

— Comment tu ne m’aimes plus ? s’écria le jeune homme avec stupeur.

— Oh ! si je t’aime, mon Julian ; jamais je ne t’ai autant aimé ! Mais il le faut !

— Que faut-il, ma chérie ? lui demanda-t-il avec tendresse.

— Il le faut, pour toi, pour toi seul mon Julian ; j’en mourrai, je le sais, mais il le faut, répéta-t-elle en le regardant avec égarement.

— Mais que faut-il donc ? reprit le jeune homme effrayé de l’état dans lequel il la voyait.

— Je lui ai dit : J’en mourrai. Il a ri et a répété : Il le faut. Cet homme n’a pas de cœur, et il prétend qu’il m’aime !

Il y eut un silence : les trois hommes se regardaient avec une douloureuse stupeur, sans oser se communiquer leur appréhension secrète.

— Oh ! reprit-elle avec désespoir, et il m’a menacée. À chaque mot que je lui disais, il répondait : Il le faut, ou ton père et ta mère seront chassés de leur maison ; tout