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repos, dont la privation avait surexcité son système nerveux et causé la crise à laquelle elle avait été en proie, quelques heures auparavant.

Dès qu’ils furent seuls, les chasseurs firent une provision de bois mort, destinée à entretenir le feu toute la nuit, puis, après avoir jeté quelques brassées de branches sèches dans le brasier, ils s’assirent à l’indienne, c’est-à-dire le dos à la flamme, afin de ne pas avoir les yeux éblouis par la lueur et de pouvoir distinguer dans l’obscurité l’approche d’un hôte inattendu, homme ou bête fauve ; puis, cette précaution prise et les rifles placés à portée de la main, ils allumèrent leurs pipes et fumèrent silencieusement.

C’est surtout la nuit, lorsque les bruits du jour s’éteignent pour faire place aux rumeurs mystérieuses des ténèbres, que le désert revêt un aspect grandiose et imposant, qui saisit l’âme et la porte à ces douces et mélancoliques rêveries si pleines de charmes.

L’air plus pur de la nuit rafraîchi par la brise qui passe à travers les feuilles qu’elle agite doucement, les murmures de l’eau parmi les nénuphars, les rumeurs confuses de mille insectes invisibles, ce silence du désert traversé par des souffles mélodieux et animés, enfin, partout ce bruit confus du grand flot de la vie qui vient de Dieu, qui passe sans cesse et toujours se renouvelle, plongent malgré lui l’homme au cœur fort dans un recueillement religieux d’une douceur étrange que ceux auxquels les grands spectacles de la nature sont inconnus ne sauront se figurer.

La nuit était calme et claire, une profusion de lumière ruisselait des millions d’étoiles qui plaquaient