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LES FRANCS TIREURS

chantèrent en appuyant avec force sur les avirons :

Des flots mouvants
Avec nos rames
Fendons les lames
Malgré les vents !

Cette chanson, interminable comme toutes les complaintes de bord, aurait selon toutes probabilités duré longtemps encore, si tout à coup le capitaine n’avait d’un geste impérieux ordonné de faire silence.

— Est-ce qu’un nouveau danger nous menace ? demanda Tranquille avec inquiétude.

— Peut-être ! répondit le capitaine, qui depuis quelques instants interrogeait l’horizon en fronçant les sourcils.

— Que voulez-vous dire ? s’écria le chasseur.

— Voyez ! répondit le capitaine, en étendant le bras dans la direction du village de pêcheurs dont nous avons parlé plus haut.

Tranquille saisit vivement la longue-vue.

Une douzaine de grandes barques, pleines de soldats, sortaient d’une petite crique et gagnaient le large.

La mer était houleuse, la brise forte, et la chaloupe surchargée de monde n’avançait que lentement, obligée de remorquer le canot.

Le péril auquel on avait cru échapper renaissait sous une autre forme, et cette fois il prenait des dimensions réellement effrayantes, car les Mexicains se rapprochaient rapidement et ne tarderaient pas à arriver à portée de fusil.