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LES FRANCS TIREURS.

vers la jeune fille : Vous me haïssez donc bien ? lui dit-il.

Carméla haussa les épaules sans répondre, et détourna la tête.

— Parlez donc ! fit-il en lui saisissant le bras et le lui serrant avec force dans sa main nerveuse.

Carméla se débarrassa de son étreinte et lui dit avec amertume :

— Je croyais que depuis que vous aviez quitté les prairies de l’Ouest vous vous contentiez de faire infliger la torture à vos victimes par vos esclaves, sans descendre vous-même au rôle de bourreau.

— Ah ! fit-il, avec rage.

— Tenez ! reprit-elle, cette comédie ma fatigue. Aussi bien, il faut en finir : je vous connais trop bien maintenant pour ne pas savoir que vous n’hésiterez pas à vous porter envers moi à d’odieuses extrémités, si je ne veux pas me soumettre à votre volonté. Puisque vous l’exigez, je vais vous dévoiler ma pensée tout entière.

Se levant toute droite et le fixant d’un regard clair et provocateur, elle continua d’une voix ferme et profondément accentuée :

— Vous me demandez si je vous hais ? Non, je ne vous hais pas : je vous méprise !

— Silence ! malheureuse.

— Vous-même m’avez commandé de parler, et je ne me tairai pas avant de vous avoir tout dit ! Oui, je vous méprise, parce que, au lieu de respecter une pauvre jeune fille que vous avez lâchement enlevée à ses parents et à ses amis, vous la torturez et vous vous êtes fait son bourreau ! Je vous méprise parce que vous êtes un homme sans âme, un