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LES FRANCS TIREURS.

— Soyez calme, maître, répondit le matelot : vous pouvez filer sans crainte votre grelin, j’ouvrirai l’œil au bossoir.

— Convenu ! Embarque les lascars, embarque en double !

Une quarantaine de matelots qui, de même que ceux partis d’abord, étaient bien armés, s’affalèrent les uns après les autres par un bout de filin qui pendait en dehors du couronnement, et se placèrent dans une seconde embarcation que maître Lovel avait fait préparer à la sourdine et dont il prit en personne le commandement.

Il démarra aussitôt et mit le cap sur la péniche du capitaine, dont il connaissait à peu près la direction, en disant de temps à autre à ses rameurs, pour les exciter à faire diligence :

― Souquez, garçons !… souquez un coup !… et il ajoutait en mâchonnant son énorme chique avec un sourire narquois : Plus souvent que je laisserai mon gars aller se faire casser la figure par ces brigands de Mexicains ! Ils sont sournois comme tout, ces caïmans-là !…

Dès qu’il eut quitté son navire, le capitaine, laissant sur la droite un petit bourg de pêcheurs dont il voyait les lumières scintiller dans l’ombre, mit le cap au vent d’une pointe avancée, endroit où il espérait probablement débarquer en sûreté.

Après avoir ramé à peu près pendant trois quarts d’heure, une ligne noire commença à se dessiner vaguement à l’horizon sur l’avant de la chaloupe.

Le capitaine fit signe à ses hommes de se reposer un instant sur leurs avirons, et saisissant une lon-