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LES FRANCS TIREURS.

La nuit, fort belle et fort claire au commencement de la soirée, était subitement devenue sombre et orageuse ; des nuages noirs et chargés d’électricité voilaient le ciel d’un point de l’horizon à l’autre ; la brise mugissait sourdement dans les cordages, se mêlant au clapotement continu des lames sur les flancs du navire.

Le brick courait lourdement au plus près du vent, ne portant pour toute voilure que ses huniers avec deux ris, son petit foc et sa brigantine.

Au moment où le timonier piqua sur la cloche les deux coups doubles qui signifient dix heures, le capitaine Johnson et Tranquille parurent sur le pont.

Le capitaine était vêtu d’un épais caban de drap bleu. Une ceinture de cuir, dans laquelle étaient passés un sabre, deux pistolets et une hache, lui serrait la taille ; un manteau était jeté sur ses épaules, et un chapeau de feutre à larges bords cachait complétement son visage.

Le Canadien portait, lui, son costume de chasseur ; seulement, à cause de la circonstance, il avait ajouté une paire de pistolets à son armement ordinaire.

Les ordres du capitaine avaient été exécutés avec cette conscience minutieuse que maître Lovel apportait dans tout ce qui touchait au service.

Les filets d’abordage étaient tendus au bout des lisses, et les manœuvres bossées comme pour un combat.

À la coupée de tribord, la chaloupe se balançait avec ses trente hommes d’équipage, armés jusqu’aux dents et assis à leurs bancs, tenant hauts et prêts à