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LES FRANCS TIREURS.

pour ainsi dire, muré dans sa propriété où nul n’a accès. Maintenant cet homme est-il le Scalpeur-Blanc, cette jeune fille est-elle Carméla, voilà ce que personne ne saurait dire et ce que je n’oserais affirmer. Plusieurs fois j’ai rôdé autour de l’habitation de cet être mystérieux sans parvenir à l’apercevoir ; fenêtres et portes sont constamment fermées, rien ne transpire au dehors de ce qui se passe dans cette étrange maison, qui, du reste, par sa position isolée, se trouve jusqu’à un certain point à l’abri des indiscrétions. Voilà ce que j’avais à vous apprendre ; peut-être demain en saurais-je davantage.

— Non, répondit don Juan d’un air rêveur, cet homme ne peut être le Scalpeur-Blanc, il est impossible que cette jeune fille soit Carméla.

— Qui vous le fait supposer ?

— Le mystère même dont s’enveloppe cet individu. Le Scalpeur-Blanc, ne l’oubliez pas, est un homme pour lequel la vie nomade du désert a trop de charme pour qu’il ait ainsi consenti à se séquestrer. Et puis pour quelle raison l’aurait-il fait ? Pour garder une jeune fille ? mais doña Carméla n’est point une frêle et timide enfant, étiolée par l’air méphitique des villes, sans volonté et sans force. C’est une brave et courageuse jeune fille, au cœur résolu et au bras ferme, qui jamais n’aurait consenti à courber ainsi la tête sous le joug. Un homme, si fort qu’il soit, est bien faible, croyez-moi, lorsqu’il se trouve devant une femme qui lui dit résolument : Non ! La femme, par cela même qu’elle n’a ordinairement qu’une pensée à la fois, nous est de beaucoup supérieure, et arrive presque toujours