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LES FRANCS TIREURS.

— Allons, allons, dit en riant le colonel, c’est aussi pousser trop loin l’optimisme ; laissons le brick et la corvette et revenons à nos moutons.

— En effet, je crois que nous aurons raison ; car, d’après la tournure que prend la conversation, si elle continuait encore quelque temps, nous finirions par ne plus du tout nous entendre.

Le soleil s’était couché sur ces entrefaites, et la nuit était complètement tombée. Les deux hommes se rapprochèrent de leurs chevaux dont ils passèrent la bride dans leurs bras, afin de les empêcher de s’éloigner, et ils se mirent d’un commun accord à marcher au petit pas auprès l’un de l’autre dans la direction du Rio-Trinidad.

La nuit était claire, le ciel pailleté d’une profusion d’étoiles brillantes, l’atmosphère d’une transparence infinie ; c’était en un mot une de ces nuits américaines si pleines d’acres senteurs et de douces rêveries.

Les jeunes gens se laissaient, malgré eux, aller au charme enivrant de cette tiède soirée. Tout à leurs pensées, ils ne songeaient ni l’un ni l’autre à reprendre un entretien brusquement terminé par un parole acerbe.

Depuis assez longtemps déjà ils marchaient ainsi, lorsqu’ils arrivèrent à un coude de la route où le sentier qu’ils suivaient se divisait en plusieurs branches.

Ils s’arrêtèrent.

— C’est ici qu’il faut nous séparer, don Juan, dit le Jaguar, car nous ne suivons probablement pas la même route.

— C’est vrai, ami, je le regrette, répondit dou-