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LES FRANCS TIREURS

prendre son mouillage sous le feu du fort de la pointe en amenant avec elle un brick corsaire, qu’elle a, selon toute apparence, amariné dans les attérissages.

— Vous croyez ! fit le Jaguar d’un air railleur.

— Voyez vous-même.

— Mon ami, je suis un peu comme saint Thomas, moi.

— Ce qui veut dire ?

— Que tant que je n’aurai pas acquis une certitude complète, je n’ajouterai qu’une foi fort médiocre au témoignage de mes yeux.

Ces paroles furent prononcées avec une intonation de voix si singulière que, malgré lui, le colonel se sentit inquiet.

— Que voulez-vous dire ? fit-il.

— Rien autre que ce que je dis, reprit le Jaguar.

— Pourtant, je ne me trompe pas, il me semble ! je vois bien distinctement le pavillon mexicain flotter au-dessus des couleurs texiennes renversées.

— En effet, répondit froidement le Jaguar. Mais qu’est-ce que cela prouve ?

— Comment ! ce que cela prouve ?

— Oui.

— Êtes-vous donc si ignorant des choses maritimes, que vous ne sachiez pas comment cela se passe après un combat à bord d’un navire ?

— Pardonnez-moi, mon ami, je sais parfaitement cela. Mais je sais aussi que ce que nous voyons peut être l’effet d’un stratagème, et que le brick, après s’être emparé de la corvette, peut avoir intérêt à faire supposer le contraire.