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LES FRANCS TIREURS.

— Peut-être ! répondit le Jaguar avec un accent équivoque qui donna à réfléchir au colonel. J’ai cru devoir vous parler en ami, vous donner un conseil désintéressé ; vous ne voulez pas le suivre, libre à vous, mon ami.

— Vous avez tort de vous piquer ; mes paroles ne peuvent avoir rien de blessant pour vous. Je n’avais aucunement l’intention de vous contrarier en parlant ainsi que je l’ai fait : mais mettez-vous un instant à ma place : si je vous avais fait, moi, les propositions que vous m’avez adressées, qu’auriez-vous répondu ?

— J’aurais refusé, vive Dios ! s’écria impétueusement le jeune homme.

Le colonel se mit à rire.

— Eh bien ! j’ai agi comme vous auriez-agi vous-même. Quel mal trouvez-vous à cela ?

— C’est vrai ! vous avez raison ; je suis fou ! pardonnez-moi, mon ami. D’ailleurs, n’est-il pas convenu que les questions politiques ne doivent jamais nous séparer ? Revenons donc à l’objet beaucoup plus important pour nous de notre rendez-vous, et laissons provisoirement les Mexicains et les Texiens s’arranger comme ils pourront.

Depuis quelques instants le colonel Melendez avait les yeux fixés sur la mer et n’écoutait que d’une façon assez distraite les paroles de son ami.

— Eh mais ! dit-il tout-à-coup : regardez donc, mon ami !

— Quoi donc ?

— Ne voyez-vous pas ?

— Que voyez-vous, d’abord ?

— Dame ! je vois là corvette la Libertad qui vient