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LES FRANCS TIREURS

du bien-être général : il faut d’abord qu’ils fassent rentrer le plus possible l’argent des contribuables, puis qu’ils se défendent contre les pronunciamientos et les ambitions sans cesse aux aguets pour les renverser. Il en résulte que tout va comme il peut, et que chacun se tire d’affaire comme il l’entend.

Heureusement, les chevaux et les mules, plus intelligents que les hommes, ont, grâce à cet instinct de conservation que Dieu leur a donné, remédié à cette incurie.

Rien n’est si curieux à voir que le passage de la fissure par une recua de mules.

Ces animaux arrivent doucement en allongeant le cou, sondant le terrain à chaque pas et flairant autour d’eux avec toutes les marques de la plus vive inquiétude. Parvenus sur la lèvre de la fissure, ils raidissent les pieds de devant, fléchissent sur ceux de derrière, soufflent en branlant la tête à droite et à gauche ; puis, tout-à-coup, ils prennent leur élan et retombent de l’autre côté, fermes et droits sur leurs quatre pieds, sans jamais se tromper.

Seulement il faut, en cette circonstance, que l’homme qui les monte fasse abnégation complète de sa volonté et les abandonne entièrement à leur instinct infaillible. S’il prétend les diriger, tout est dit : homme et monture roulent sans rémission au fond du précipice où tous deux arrivent en lambeaux.

Quant au nom de Salto-del-Frayle c’est-à-dire Saut-du-Moine, que porte cet endroit, voici d’après la chronique locale en quelle circonstance ce nom lui a été donné.

On raconte (nous n’affirmons rien et ne préten-