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LES FRANCS TIREURS

compagnons, en obligeant ceux-ci à leur prêter une aide qui, en quelques instants, aurait épuisé leurs forces.

Les grandes causes seules produisent de tels dévouements.

Les conjurés se trouvaient au pied même du rocher au sommet duquel le fort était bâti. C’était un grand pas de fait, mais ce n’était rien encore tant que le rocher n’était pas escaladé.

Mais comment tenter cette escalade par une nuit sombre, et le coromuel qui, d’instant en instant, soufflait avec plus de force et menaçait de renverser au fond de l’abîme l’homme assez téméraire pour oser tenter cette ascension ?

Cependant il fallait agir.

Le Jaguar n’hésita pas. Il n’avait pas risqué sa vie et celle de ses compagnons pour s’arrêter devant un obstacle quelconque ; l’impossible même ne devait pas l’arrêter : il pouvait être tué, il ne voulait pas reculer.

Cependant les moyens dont il disposait étaient bien restreints. Il n’avait qu’une corde de soie, longue de cent brasses environ, roulée autour de son corps, et ses compagnons n’avaient d’autres armes que leurs poignards.

Les personnes qui ont lu les premières scènes de ce récit se souviendront sans doute du portrait que nous avons fait du Jaguar. Bien que fort jeune encore, ou du moins le paraissant, il joignait à une agilité et à une adresse merveilleuse une force exceptionnelle ; son caractère aventureux se plaisait aux choses extraordinaires : l’impossible seul avait de l’attrait pour lui.