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LES FRANCS TIREURS

— Pouvez-vous vous soutenir sur l’eau, en plaçant une main sur l’épaule de Lanzi et l’autre sur la mienne ?

— J’essaierai, frère.

— Allons alors !

John Davis, étouffant la souffrance horrible qu’il éprouvait, parvint à faire ce que lui demandait le Jaguar ; et tous trois s’avancèrent alors vers le rivage qui, en effet, n’était pas très-éloigné, puisque, malgré les ténèbres, on en distinguait parfaitement les contours.

Mais, malgré tout son courage, les souffrances de John Davis étaient tellement atroces qu’il sentit sa vue se troubler et les forces lui manquer tout-à-fait.

— Non, dit-il, c’est impossible, je ne puis pas. Adieu !

Et, lâchant le point d’appui qui jusqu’à ce moment l’avait soutenu, il s’enfonça sous l’eau.

— Cuerpo de Cristo ! s’écria le Jaguar dans un élan de douleur sublime, je le sauverai ou je périrai avec lui.

Il plongea résolument, empoigna son ami par sa noire chevelure, et remontant avec lui, il lui maintint la tête au-dessus de l’eau, tandis que de la main droite il nageait doucement.

Lanzi n’avait en aucune façon cherché à s’opposer à l’action héroïque du chef des francs tireurs seulement il ne l’avait pas abandonné : il nageait auprès de lui, prêt à lui venir en aide s’il le voyait faiblir.

Heureusement pour le Jaguar, l’énorme masse du rocher sur lequel était bâti le fort, neutralisait les