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LES FRANCS TIREURS

Sans s’occuper davantage de leurs compagnons qui nageaient toujours vers la terre, ces deux cœurs de lion volèrent au secours de l’Américain.

Mais tout était silencieux et sombre autour d’eux. Vainement ils interrogeaient les ténèbres, rien ne paraissait, ni homme, ni tintorera.

— Serait-il mort ? murmura le Jaguar d’une voix sourde.

— Oh ! oh ! je ne le crois pas, répondit Lanzi ; il est si brave et si adroit !

— Cherchons alors.

— Soit.

— Si nous l’appelions ? peut-être est-il blessé ?

— Mais on nous entendra du fort.

— Non : le vent est pour nous.

— À moi ! à moi ! s’écria en ce moment une voix assez rapprochée.

— C’est lui ! dit le Jaguar. Nous voilà, John, nous voilà, courage !

Et, redoublant d’efforts, ils se dirigèrent du côté où était parti le cri d’appel.

— À moi ! à moi ! fit encore la voix avec une expression d’angoisse telle, que les deux hommes se sentirent frissonner de terreur, eux cependant inaccessibles à la crainte.

C’est qu’il y a dans le dernier cri de l’agonie de l’homme fort, vaincu par la nécessité, une expression si poignante et si navrante à la fois, que, malgré soi, on se sent remué jusqu’au fond de l’âme.

— Courage ! courage ! répétèrent les deux hommes en redoublant encore des efforts déjà prodigieux.