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LES FRANCS TIREURS.

treprise, car jamais il ne viendra dans l’esprit des hommes de la garnison qu’on songe sérieusement, par une nuit comme celle-ci, à les attaquer par mer. Ce n’est pas tout, il faut que nous arrivions sur cette langue de terre, et cela bientôt : la mer commence à baisser, dans une heure elle sera étale ; le moment sera donc favorable. Voici ce que nous allons faire.

Les conjurés, pressés autour de leur chef, prêtaient la plus sérieuse attention à ses paroles. C’était pour eux une question de vie ou de mort qui s’agitait

— Or, mes compagnons, continua le Jaguar, nous n’avons aucune embarcation pour atteindre le pied du fort ; le bruit des avirons frappant sur les taquets du canot donnerait l’alarme, éveillerait les soupçons de la garnison et révélerait notre présence. C’est donc à la nage qu’il nous faut faire le trajet ; la route est longue : il y a près d’une lieue ; le courant rapide, et nous serons contraints de le couper en deux ; de plus, la nuit est noire et la mer mauvaise. Je ne vous parle que pour mémoire des requins et des tintoreras que nous sommes exposés à rencontrer sur notre route. Vous voyez, compagnons, que l’affaire est rude ; évidemment, nous n’atteindrons pas tous la langue de sable. Quelques-uns de nous resterons en route, mais qu’importe, si nous réussissons ? Vous êtes des gens de cœur ; j’ai préféré vous parler nettement et vous faire tout d’un coup envisager la question, que de vous tromper. Un danger connu est à demi vaincu.

Malgré tout leur courage, les conjurés se sentirent frémir intérieurement. Cependant pas un d’eux