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LES FRANCS TIREURS

Mais ce que le diable lui avait dit à propos de son âme, avait mis la puce à l’oreille du digne seigneur ; aussi sans perdre de temps il s’occupa de son salut. Son premier soin fut de fonder une ville auprès de sa forteresse en attirant, à force de promesses, les aventuriers de tous pays dans cette contrée ; puis il chercha un moine capable de le débarrasser de ses nombreux péchés, et il est probable qu’il en trouva un, ajouta le digne franciscain qui nous contait cette légende, à laquelle il croyait fermement, car le comte Estevan de Sourdis mourut en état de grâce, après avoir légué la plus grande partie de ses biens au clergé, fondé deux monastères et bâti trois églises.

Définitivement, le vieux pirate avait jusqu’au bout pris le diable pour dupe.

Sans accorder à cette légende la foi entière de celui qui nous la rapportait, cependant nous nous sentions saisi d’admiration à la vue de l’immense bloc de granit taillé à pic de tous les côtés, sur la crête duquel s’élève audacieusement le château, perché là comme un nid de vautour, et nous fûmes forcé de convenir que les moyens employés pour le bâtir nous semblaient de tout point incompréhensibles.

C’était cette forteresse que le Jaguar avait résolu d’enlever par surprise.

La tâche, si elle n’était pas impossible, était pour le moins fort difficile, et il fallait toute l’audacieuse témérité du jeune chef pour avoir seulement conçu la pensée de l’entreprendre.

La nuit était noire ; de gros nuages chargés d’électricité couraient lourdement dans le ciel, et en