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LES FRANCS TIREURS.

son visage se rasséréna et prit son apparence d’insouciante gaieté ordinaire, et il dit en riant à son capitaine :

— Allez dormir, monsieur le comte : demain il fera jour ; après tout, le diable n’est peut-être pas aussi fin qu’il en a l’air.

Le pirate, tout reconforté par l’air joyeux de son contre-maître, se sentit plus tranquille ; il regagna sa couche et ne tarda pas à s’endormir.

Le matelot passa toute la nuit en prières. Puis, dès que l’aube commença à rayer le ciel de teintes blanchâtres, il se rendit au chenil, prit un pauvre vieux chien pelé et tout perclus qui, retiré dans un coin, achevait d’y mourir, revint à la tente, introduisit l’animal dans l’intérieur et, rabaissant la toile, il attendit ce qui allait arriver.

La pauvre bête ne fut pas plus tôt libre, que d’un bond elle se précipita sur la couche de son maître et commença à lui lécher le visage.

— Que le diable t’emporte, maudit animal ! s’écria le pirate éveillé en sursaut et furieux d’être ainsi troublé dans son sommeil.

Un coup de vent terrible secoua la tente, un hurlement épouvantable se fit entendre, et le chien disparut.

Le diable s’enfuyait tout penaud avec la maigre proie qu’il avait happée.

Du reste, messire Satanas avait consciencieusement travaillé : une forteresse formidable s’élevait orgueilleusement sur la cime du rocher qui, le soir précédent, était nue et déserte.

Le comte était ravi.

Le jour même il s’installa dans son château.