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LES FRANCS TIREURS.

cherche la solution d’un problème difficile à résoudre ; il est neuf heures, n’est-ce pas ?

— À peu près, dit le comte qui ne comprenait pas où l’inconnu voulait en venir.

— Eh bien ! au lever du soleil, tout sera prêt et vous pourrez prendre possession de votre manoir.

— Ah ça ! mais vous êtes donc le diable ? s’écria le pirate au comble de la stupéfaction.

L’inconnu se leva, salua le pirate avec courtoisie et lui répondit avec une politesse de bon goût et un véritable laisser-aller de gentilhomme :

— En personne, monseigneur ; sur ma foi, ajouta-t-il en se dandinant avec grâce, je n’ai jamais pu laisser un galant homme dans l’embarras ; j’ai été touché de votre perplexité et j’ai résolu de vous venir en aide.

— Vous êtes bien bon, murmura machinalement le vieux marin sans même savoir ce qu’il disait.

— Je suis comme cela, répondit l’autre en s’inclinant avec modestie.

— Merci… et vous me demandez ?

— Je vous l’ai dit, une misère.

— Mais encore…

— Nous nous arrangerons toujours ; d’ailleurs, je suis trop bon gentilhomme pour vous traiter comme un robin ; seulement, pour que nous soyons en règle, signez ce simple engagement.

— Permettez, permettez ; je ne sais pas lire, moi, et je ne puis rien signer… Vous comprenez que je ne me soucie pas de vous donner mon âme.

— Allons donc, monseigneur, reprit le diable, est-ce que vous croyez que je veux faire un marché de dupe ?