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LES FRANCS TIREURS

Et marchant sur la plate-forme, il exposa son plan dans les plus grands détails ; l’inconnu approuvait du geste, remuant la tête et souriant de son rire narquois.

Cependant le temps se passait ; depuis une heure environ, le jour avait fait place à la nuit, et l’ombre avait peu à peu envahi le rocher ; le pirate, emporté par l’attrait irrésistible qu’on éprouve toujours à émettre ses idées surtout en présence d’une personne qui semble les approuver de tous points, continuait ses démonstrations sans s’apercevoir que les ténèbres étaient devenues trop épaisses pour que son interlocuteur pût tirer grand fruit de ce qu’il lui disait ; enfin il se tourna vers l’inconnu,

— Eh bien, lui dit-il, que pensez-vous de cela ?

— C’est parfait, répondit l’autre.

— N’est-ce pas ? fit le chef avec conviction,

— Oui, mais…

— Ah ! dit le pirate, s’il y a un mais ?

— Il y en a toujours, objecta judicieusement l’inconnu.

— C’est vrai, murmura le vieux pirate.

— Vous savez que je suis architecte ?

— Vous me l’avez dit.

— Eh bien ! moi aussi, j’ai fait un plan.

— Tiens, tiens, tiens.

— Oui, et si vous me le permettez, monseigneur, j’aurai l’honneur de vous le soumettre.

— Soumettez, mon cher, soumettez, dit le chef avec un sourire de condescendance, car il était intérieurement convaincu que son plan était le meilleur des deux.