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LES FRANCS TIREURS

étaient de forts bons marins, tuant, pillant et violant en conscience chaque fois que l’occasion s’en présentait, mais ils étaient en général fort mauvais maçons et pas du tout architectes.

Et puis, les pierres trouvées, taillées et amenées au pied du rocher, Comment les hisser au sommet ?

Là était réellement la difficulté insurmontable, et tout autre que le hardi pirate aurait renoncé à l’exécution d’un projet reconnu impossible.

Mais le comte était entêté ; il se disait, avec une certaine apparence de raison, du reste, que plus les difficultés qu’il avait à vaincre étaient grandes, plus son château serait fort et à l’abri des attaques.

En conséquence, loin de se rebuter, il arma ses gens de longs pics de fer et commença à tracer dans le roc vif un sentier qui serpentait tout autour du rocher et devait aboutir au sommet.

Ce sentier, large de trois pieds au plus, était tellement raide et tellement abrupte que le moindre faux pas suffisait pour précipiter ceux qui s’y engageaient dans un abîme au fond duquel ils se brisaient.

Au bout d’un an de travaux surhumains, le sentier fut creusé, et le comte, le gravissant au galop de son cheval, au risque de se rompre cent fois le cou, planta sa bannière sur la crête du roc en poussant un cri de triomphe et d’orgueil.

Un autre cri répondit au sien.

Mais ce cri était si ironique et si railleur, que le vieux pirate, dont les nerfs étaient durs comme des cordes et qui jamais n’avait tremblé, sentit un frisson de terreur parcourir tous ses membres, ses