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LES FRANCS TIREURS

il y a toujours un peu l’étoffe d’un corsaire, et l’argent comptant a seul raison avec lui.

Mais le capitaine Johnson était un homme froid et méthodique, sur lequel l’enthousiasme n’avait aucune prise. Il ne se laissa nullement griser par le succès inespéré qu’il avait obtenu ; il savait fort bien que le premier moment d’effervescence passé, la réflexion viendrait, et, avec la réflexion, l’esprit d’insubordination, si naturel au caractère du marin. Il fallait surtout éviter de donner un prétexte quelconque à une révolte ; pour cela, il était urgent d’enlever à l’équipage de la corvette cette autonomie que l’habitude de vivre ensemble et une connaissance approfondie de leur caractère respectif donnaient à chaque marin. Pour cela le moyen était simple ; le capitaine l’employa. Son brick armé pour la course était fort ; il comptait cent quatre-vingt-dix hommes ; il ne garda que cinquante de ses anciens matelots ; les autres passèrent sur la corvette, dont cent quarante hommes furent transportés sur le brick ; de cette façon les deux équipages se fondirent l’un dans l’autre, et se trouvèrent complètement à la disposition de leur capitaine, qui en devint définitivement le maître.

Les divers événements que nous avons rapportés et les incidents qui les avaient suivis, avaient demandé beaucoup de temps ; la journée tout entière s’était écoulée, et tout n’avait été complètement organisé qu’une heure avant le coucher du soleil.

Le capitaine Johnson donna le commandement de la corvette à don Serapio avec don Cristoval pour lieutenant chargé du détail, et Ramirez pour maître