Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
LES FRANCS TIREURS

Mais cette précaution était inutile, les Mexicains ne songeaient nullement à se révolter ; au contraire, la plupart d’entre eux étaient nés au Texas ; dans les marins du brick ils avaient retrouvé beaucoup de leurs amis et d’anciennes connaissances aussi ; au bout de quelques minutes, les deux équipages avaient établi les rapports les plus cordiaux, et s’étaient, pour ainsi dire, confondus.

Le capitaine Johnson résolut de mettre cette heureuse circonstance à profit.

Le corsaire se trouvait dans une position fort difficile, et éprouvait littéralement, en ce moment, la gêne qu’occasionne toujours l’embarras des richesses ; il s’était, sans coup férir, emparé d’une corvette de guerre de premier rang ; mais il fallait un équipage à cette corvette, et les matelots dont il pouvait disposer en les enlevant de son propre navire pour les placer sur sa prise étaient insuffisants ; la bonne harmonie qui s’était presque subitement établie entre les deux équipages lui fournit un moyen de sortir d’embarras à son honneur.

Les matelots sont, en général, des hommes durs à la fatigue, fidèles, mais peu scrupuleux en fait de politique, dont les questions sont beaucoup trop abstraites pour leur intelligence naturellement bornée pour tout ce qui regarde les choses de terre.

Accoutumés à être sévèrement conduits et à être dirigés pour toutes les actions de leur vie, depuis les plus graves jusqu’aux plus futiles, les matelots ne sont donc, en résumé, que de grands enfants qui n’apprécient qu’une chose, la force. Un homme résolu en fera toujours ce que bon lui semblera, s’il parvient à leur prouver sa supériorité sur eux.