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LES FRANCS TIREURS.

Le brick avait masqué ses voiles et se tenait immobile à tribord de la corvette.

Il y eut un instant de silence suprême, tous les yeux se dirigèrent instinctivement vers le corsaire.

Ses hunes étaient garnies de gabiers armés de fusils et de grenades ; par ses sabords ouverts on apercevait ses matelots rangés aux pièces : il tenait littéralement la corvette sous son feu.

— Eh bien, reprit El Alferez en frappant du pied avec impatience, vous décidez-vous, oui ou non ?

— Monsieur, répondit le commandant, par une trahison infâme, vous vous êtes rendu maître de mon navire, toute résistance est désormais inutile, je me rends.

Et, par un geste plein de majesté, le vieux marin dégaina son épée, en brisa la lame, dont il jeta les morceaux à la mer, et se retira sur l’arrière d’un pas calme et résigné.

— Capitaine Johnson ! cria El Alferez, la corvette est à nous, envoyez une embarcation à bord.

Un coup de sifflet résonna sur le pont du brick ; une embarcation fut affalée à la mer, et quelques minutes plus tard vingt corsaires armés jusqu’aux dents et commandés par le capitaine en personne montèrent à bord de la corvette.

Le désarmement de l’équipage s’opéra sans la moindre résistance.

Le commandant Rodriguez et son état-major avaient été transportés sur le brick, afin que les matelots mexicains, beaucoup plus nombreux que leurs vainqueurs, demeurassent sans chef dans le cas où, par un effort désespéré, ils tenteraient de reconquérir leur navire.