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LES FRANCS TIREURS

haute et le regard assuré, il attendit les révoltés.

Ceux-ci ne tardèrent pas à envahir l’arrière du navire ; cependant, après avoir dépassé le grand mât, par un reste de ce respect inné chez les matelots pour leurs supérieurs, ils s’arrêtèrent.

Le gaillard d’arrière est la partie du pont d’un bâtiment exclusivement réservée aux officiers ; les matelots ne peuvent, dans aucun cas, y mettre le pied, à moins que ce ne soit pour exécuter une manœuvre.

Arrivés au pied du grand-mât, les révoltés avaient donc hésité, ils ne se sentaient plus sur leur terrain, finalement ils s’étaient arrêtés, car le fait seul de l’envahissement de cette partie du pont constituait une grave infraction à la discipline maritime.

Ils s’étaient arrêtés, disons-nous, mais comme la mer en courroux qui se brise aux pieds d’une digue, qu’elle ne peut franchir, c’est-à-dire en hurlant et en gesticulant avec colère, mais cependant sans faire un pas de plus en avant ; il est vrai qu’ils n’en faisaient pas non plus un en arrière.

Mais cette hésitation et cette attitude presque timide des révoltés ne faisaient nullement l’affaire des meneurs qui les avaient poussés à l’insubordination. Mêlés aux derniers rangs des matelots, ils criaient et gesticulaient plus fort que les autres, cherchant, par tous les moyens, à rallumer ce feu qui, déjà, menaçait de s’éteindre.

Le pont de la corvette présentait en ce moment un aspect des plus désolants et à la fois des plus imposants. Au milieu de ces débris entassés pêle-mêle sur ce beau navire si fatalement décapité par