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LES FRANCS TIREURS.

poussant des cris d’épouvante et en courant de tous les côtés.

Leur exemple fut promptement suivi ; alors, ils changèrent de tactique et commencèrent à accuser à haute voix le commandant, soutenant qu’il les trahissait, qu’il voulait les perdre et livrer le navire aux insurgés.

Il n’y a chose si stupide qu’elle soit, a dit un penseur, qu’on ne fasse croire aux gens en s’y prenant d’une certaine façon ; cette parole est d’une exactitude rigoureuse, et cette fois encore elle reçut une entière application.

Les matelots de la Libertad oublièrent en un instant tout ce qu’ils devaient à leur commandant, dont la constante sollicitude veillait sur eux avec une paternelle bonté, poussés et excités par les perfides insinuations de Ramirez et de ses compagnons. Le courage qui leur manquait pour se défendre et faire leur devoir en gens de cœur, ils le retrouvèrent pour accuser leur chef de trahison, et, se saisissant de toutes les armes qui leur tombèrent sous la main, ils se précipitèrent tumultueusement vers le gaillard d’arrière en proférant des menaces et des cris de révolte.

Les officiers, effrayés à bon droit, et ne sachant quel moyen employer pour faire rentrer ces hommes dans le devoir, vinrent se grouper autour de leur commandant, résolus à se sauver ou à périr avec lui.

Le vieux marin était toujours aussi calme et aussi impassible en apparence ; rien ne révélait sur son visage austère l’angoisse qui lui broyait secrètement le cœur ; les bras croisés sur la poitrine, la tête