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LES FRANCS TIREURS.

reprit-il avec bonhomie, voici l’affaire en quelques mots : depuis environ une quinzaine de jours je joue aux barres avec un lutin de brick dont les allures sont on ne peut plus suspectes. Son gréement et la finesse de sa coque me portent à croire que c’est un corsaire nord-américain qui cherche à jeter des armes et peut-être des hommes aux insurgés.

— Vous croyez, objecta don Cristoval, qu’un brick corsaire, vous sachant dans ces parages, oserait se hasarder à tenter de forcer la passe ?

— Parfaitement. Ces démons de corsaires ne doutent de rien ; du reste, à l’époque de la guerre de l’indépendance, j’ai moi-même accompli des entreprises plus téméraires.

— Ainsi, nous allons assister à un combat naval ? demanda doña Mencia, d’un air craintif.

— Oh ! rassurez-vous, señorita ; cela, je l’espère, n’ira pas aussi loin ; ce brick que, depuis deux jours, j’avais perdu de vue, vient de reparaître, mais cette fois dans le but apparent d’approcher assez près de la terre pour y envoyer une embarcation. Je lui appuierai une chasse vigoureuse qui l’engagera, je n’en doute pas, à virer de bord au plus vite et à regagner le large ; il est impossible qu’il essaie sérieusement de se mesurer avec nous.

— Mais, c’est charmant, cela, s’écria en riant doña Mencia ; la fête sera complète : promenade en mer, chasse et peut-être capture d’un navire ! Vous nous comblez, commandant.

Tandis que la conversation devenait de plus en plus amicale et animée dans la chambre du commandant, la corvette avait appareillé, et toutes