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LES FRANCS TIREURS

dire quelques mots à l’oreille ; celui-ci, après s’être excusé auprès de ses convives, lui donna un ordre à voix basse, et le timonier se retira aussi discrètement qu’il s’était présenté.

— Señora, dit le commandant en se penchant vers la jeune femme placée à son côté, redoutez-vous la mer ?

— Moi, répondit-elle en souriant, pourquoi cette question, caballero ?

— Parce que, reprit-il, à moins que vous ne quittiez immédiatement mon bord, ce qui, je vous l’avoue, me chagrinerait fort, vous serez obligée de faire une promenade de quelques heures au large.

— Je suis fille et cousine de marins, commandant ; c’est vous dire qu’une promenade en mer ne peut en toute circonstance que m’être fort agréable ; en ce moment ce sera un charmant intermède à notre déjeuner et cela complétera la gracieuse hospitalité que vous avez bien voulu nous offrir.

— À la bonne heure, dit gaîment le commandant, vous êtes une véritable héroïne, doña Mencia ; vous ne redoutez rien.

— Ou du moins fort peu de chose, répondit-elle avec une intonation dont l’expression échappa à son interlocuteur.

— Me permettez-vous de vous demander, commandant, dit don Serapio, si vous appareillez simplement pour nous procurer le plaisir d’une promenade en mer, ou si un motif plus grave vous engage à quitter le mouillage et à mettre sous voiles.

— Mon Dieu, je n’ai point de secret pour vous,