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LES FRANCS TIREURS.

courir le rîsque de se voir enlever son navire, il quitta la rade et alla mouiller dans une crique solitaire, afin d’avoir ses coudées franches ; puis au lieu d’inviter beaucoup de personnes à la fois, il pria seulement doña Mencia, son père et deux des cousins de la jeune fille, officiers au service des États-Unis, de lui faire l’honneur de venir à son bord.

Nous savons maintenant quelles étaient réellement les personnes qui avaient accepté son invitation.

Le commandant fronça le sourcil en voyant le nombreux équipage de l’embarcation ; mais réfléchissant qu’il avait deux cent cinquante hommes à son bord, il ne lui vint pas à la pensée que seize matelots, en apparence sans armes, chercheraient à s’emparer de son navire, et ce fut de l’air le plus riant et le plus affectueux qu’il reçut doña Mencia et les personnes qui l’accompagnaient.

Après avoir fait visiter à ses hôtes la corvette dans toutes ses parties, il les conduisit dans sa galerie où une table avait été dressée, et où un magnifique déjeuner les attendait.

Cinq personnes seulement prirent place autour de la table : la jeune fille supposée, les soi-disant cousins, le commandant et son second, vieux marin, comme lui rempli d’expérience et de bravoure.

Le repas commença sous les apparences les plus cordiales et les plus franches ; le commandant regretta que le père de doña Mencia n’eût pu, ainsi que cela avait été convenu, accompagner sa fille, et l’entretien s’engagea gaiement.

Sur ces entrefaites, un timonier entr’ouvrit la porte, et, sur un signe du commandant, il vint lui