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LES FRANCS TIREURS

cher, et se penchant à son oreille, il lui dit quelques mots à voix basse.

— Eh ! eh ! répondit le lieutenant avec un gros rire, c’est une idée ! Pour lors, cela peut devenir drôle !

Et, sans dire un mot de plus, il se rendit sur l’avant.

Arrivé auprès de la pièce à pivot, il la fit démarrer et charger avec soin, en ajoutant un boulet et une grappe de raisin à la charge ordinaire ; et, se penchant sur le point de mire, il saisit la vis de pression placée sous la culasse, puis, faisant signe de se tenir prêts aux servants de droite et de gauche qui, armés d’anspects, attendaient ses ordres, il commença à pointer la pièce lentement et avec la plus grande précaution, calculant scrupuleusement la distance qui séparait les deux navires et la déviation causée par le tangage et le roulis ; enfin, lorsqu’il crut être arrivé au résultat désiré, il saisit le cordon de la batterie, se rejeta en arrière, et fit un geste au capitaine qui, de son banc de quart, attendait impatiemment la fin de ces préparatifs.

— Attention ! cria celui-ci, des hommes aux bras partout !

Il y eut une minute d’attente suprême.

— Sommes-nous parés ? demanda le capitaine.

— Oui, reprit le lieutenant.

— Pare à virer !… commanda le capitaine ; la barre dessous !… file l’écoute de foc !… change derrière !… change devant !… borde les perroquets !… borde les basses voiles !… hale les boulines !…

Les matelots se précipitèrent sur les manœuvres, et le navire, obéissant à l’impulsion qui lui était