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LES FRANCS TIREURS.

— Pique huit, my dear, voilà le soleil qui se lève là bas derrière les montagnes ; nous allons appeler au quart.

Et après avoir replacé sa pipe dans le coin de sa bouche, il reprit sa promenade.

Le matelot saisit la cordelle attachée au battant de la cloche et frappa quatre coups doubles.

À ce signal, bien connu d’eux, les hommes étendus sur le gaillard d’avant se levèrent en tumulte et se précipitèrent dans l’entre-pont en criant à tue-tête :

— Debout au quart, tribordais ! debout ! debout ! Il est quatre heures, tribordais ! debout ! debout !

Dès que le quart fut changé, le maître donna les ordres nécessaires pour faire la toilette du navire ; puis, comme le soleil commençait à se lever à l’horizon dans un flot de vapeurs rougeâtres qui dissipait peu à peu la brume épaisse dont toute la nuit le navire avait été enveloppé comme d’un linceul, il fit monter un homme en vigie sur les barres de petit perroquet afin d’interroger l’espace et de surveiller les rives que le navire côtoyait ; puis, ces divers devoirs remplis, le vieux marin reprit sa promenade en jetant de temps en temps un regard à la mâture et en murmurant entre ses dents :

— Hum ! où allons-nous ? Il serait bien aimable, lui, s’il me le disait ; c’est une véritable navigation d’aveugles que nous faisons là, et nous serons bien heureux si nous nous en retirons sains et saufs.

Tout à coup son visage sembla s’éclairer, et un sourire joyeux s’épanouit sur sa large face.

Le capitaine venait de sortir de sa chambre et de paraître sur le pont.