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LES FRANCS TIREURS

louvoyant au plus près du vent, longeant péniblement à cause d’une brise carabinée du sud-sud-ouest la côte si dangereuse et si accidentée qui forme rentrée de la baie de Galveston à l’embouchure du Rio-Trinidad.

C’était un joli navire de trois cents tonneaux au plus, aux allures fringantes et hardies, à la coque fine et élancée, et à la haute mâture coquettement rejetée en arrière.

Son gréement bien peigné et goudronné avec soin, ses vergues brassées avec symétrie, et plus que tout les gueules menaçantes de quatre petites caronades de huit qui sortaient tribord et bâbord des sabords percés dans ses lisses, et la longue pièce de trente à pivot allongée sur son gaillard d’avant, indiquaient que, si à la pomme de son grand mât il n’avait pas la flamme des bâtiments de guerre, il n’en était pas moins résolu, le cas échéant, de lutter énergiquement contre les croiseurs qui chercheraient sous n’importe quel prétexte à entraver sa marche,

À l’instant où nous l’avons aperçu, à part le timonier placé à la roue du gouvernail et un individu qui se promenait de long en large sur l’arrière en fumant sa pipe, au premier coup d’œil le pont du brick semblait désert ; pourtant, en examinant avec soin, on eût aperçu, couchés et dormant tout à fait à l’avant du navire, une quinzaine d’hommes composant la bordée de quart, et que le plus léger signal suffirait pour éveiller.

— Eh ! dit tout à coup le promeneur en s’arrêtant près de l’habitacle et en s’adressant au timonier, je crois que le vent adonne, hein ?