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LES FRANCS TIREURS

— Je ne comprends pas votre étonnement, caballeros, reprit avec intention la feinte doña Mencia ; n’était-il pas convenu depuis quelques jours déjà entre vous, ma mère et mon mari, que nous irions ce matin déjeuner à bord de la corvette Libertad avec le commandant Rodriguez ?

— En effet, s’écria vivement don Serapio, excusez-moi, señorita, je ne sais véritablement où j’ai la tête. Comment ai-je pu oublier cela ?

— Je vous excuserai, répondit en souriant El Alferez, mais à la condition que vous réparerez votre oubli inexplicable et votre procédé peu galant en m’offrant votre bras pour nous rendre immédiatement de compagnie à bord de la corvette.

— D’autant plus, appuya don Cristoval, que nous avons un assez long trajet à faire et que sans doute le commandant nous attend.

— Canarios ! s’il vous attend ! s’écria Ramirez. Je le crois bien, señor, puisqu’il m’a expédié avec une embarcation pour vous conduire à bord.

— Puisqu’il en est ainsi, je crois que nous ferons bien de partir sans plus tarder.

— Nous sommes à vos ordres, señorita.

— Tenez, brave homme, reprit El Alferez d’une voix douce, en s’adressant au pulquero, prenez ceci en souvenir de moi.

Le digne homme, à moitié hébété par ce qu’il voyait, tendit machinalement sa main droite, dans laquelle le mystérieux aventurier laissa nonchalamment tomber une once d’or ; puis, prenant le bras de don Serapio, il sortit accompagné de don Cristoval et de Ramirez, qui prirent les devants afin de prévenir les canotiers.