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LES FRANCS TIREURS.

aux mille brimborions de la toilette féminine ; en un mot, la métamorphose était si complète, que, n’eût été son regard dont le jeune homme n’avait pu parvenir à éteindre complètement le rayonnement étrange, les trois hommes eussent juré que cet être singulier était bien réellement une femme.

Le costume de El Alferez sans être riche était élégant et de bon goût ; son visage, à demi caché sous les plis soyeux de son rebozo, dissimulait en partie l’expression hautaine de sa physionomie ; à la main droite il tenait un charmant éventail en bois de santal dont il jouait avec cette gracieuse nonchalance si pleine d’habileté que seules possèdent les Espagnoles et leurs filles de l’Amérique du Sud.

— Eh bien ! caballeros, dit le jeune homme en minaudant et d’une voix douce et harmonieuse, ne me reconnaissez-vous pas ? je suis la fille de votre amie doña Léonor Salcedo, doña Mencia.

Les trois hommes s’inclinèrent respectueusement.

— Pardonnez-moi, señorita, répondit don Serapio en baisant gravement le bout de ses doigts effilés, nous vous reconnaissons parfaitement au contraire, mais nous étions si loin de nous attendre au bonheur de vous rencontrer ici…

— Que même en ce moment, après vous avoir parlé, nous n’osons encore croire à la réalité de ce que nous voyons.

Le pulquero promenait de l’un à l’autre des assistants des regards effarés. Le brave homme ne comprenait plus rien à ce qui se passait ; il se demandait dans son for intérieur s’il dormait ou s’il était éveillé. En somme, il n’était pas loin de croire à un sortilége.